Edit de Nantes
L’Edit de Nantes, dont on célèbre le quatrième centenaire, occupe dans nos mémoires une place particulière, quasi emblématique.
Il demeure comme le symbole d’une France enfin apaisée et heureuse après les atrocités des guerres de religion. Signé en avril 1598, il met en effet un terme à une série de huit conflits qui s’était ouverte en 1562. Durant cette longue période de guerres civiles, avec des accalmies provisoires, mais surtout de violentes rechutes, plusieurs édits assez semblables avaient été promulgués. Mais aucun n’avait pu être appliqué durablement. Et, du coup, l’Edit de Nantes a souvent été perçu au cours de l’Histoire de manière idyllique. Ainsi Augustin Thierry, en 1850, écrit que la France, par l’Edit de Nantes, avait devancé « les autres peuples chrétiens dans les voies de la société nouvelle qui sépare l’Eglise de l’Etat, le devoir social des choses de la conscience et le croyant du citoyen » 1. Et pour Jean Mariéjol, « l’Edit de Nantes inaugurait l’ère de tolérance et c’est à ce titre qu’il mérite de faire date dans l’histoire du monde. […] A la différence des autres nations chrétiennes, la France […] ne faisait plus d’une croyance la condition même de la nationalité »
2. Et quatre cents ans après l’Edit, au coeur d’un présent déchiré par tant de tragédies, comment ne pas saluer cet art de la paix, ce compromis complexe et fragile qui, au prix de lourdes concessions et de longues négociations, mettait fin pour un temps à la haine et à la colère, et permettait la coexistence de deux religions dans notre pays. Il semble bien, pourtant, qu’au moment de sa signature, cet Edit n’ait pas connu une publicité ni une notoriété extraordinaires. Il fut plutôt accueilli dans l’indifférence, le scepticisme, parfois même l’hostilité, et son application fut un processus long et difficile. Le royaume n’entra pas du jour au lendemain dans une période de tolérance religieuse et de coexistence confessionnelle parfaite. Le caractère composite de l’Edit témoigne à la fois de la dureté des négociations qui l’ont précédé et de l’ampleur des problèmes pratiques d’application. Quant à son contenu, il recèle bien des ambiguïtés et des limites. C’est dire que, malgré l’engouement qu’a suscité de manière assez étonnante la commémoration de son quatrième centenaire, il faut se garder de tout anachronisme dans la lecture de ce texte. On ne saurait le prendre pour ce qu’il n’est pas, ni le juger en fonction de sa postérité malheureuse ou de critères modernes, ni non plus se l’approprier de manière artificielle, moralisante ou confessionnelle. Il ne pourra être investi d’aucune signification dans le monde d’aujourd’hui si on ne le replace pas dans le contexte de la fin du XVIe siècle.